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vinces : c’est le premier degré de civilisation. À mesure que la société se perfectionne, ces petites puissances sont absorbées par de plus grandes ; les municipalités naissent, pour protéger le droit des villes contre l’ascendant décroissant des maisons féodales. Les grandes royautés s’élèvent, qui détruisent à leur tour les priviléges municipaux sans utilité ; puis viennent les autres phases sociales, dont les phénomènes sont innombrables et ne nous sont pas encore tous connus.

Nous voilà bien loin d’Abougosh et de son peuple de brigands organisés. Son neveu marchait devant nous sur la route de Jérusalem. À un mille environ de Jérémie, il quitta la route et se jeta sur la droite, dans des sentiers de rochers qui sillonnent une montagne couverte de myrtes et de térébinthes. Nous le suivîmes. Les nouvelles de Jérusalem, que nous avait données Abougosh, étaient telles, qu’il y avait pour nous impossibilité absolue d’y entrer. La peste y augmentait à chaque instant ; soixante à quatre-vingts personnes y succombaient tous les jours ; tous les hospices, tous les couvents étaient fermés. Nous avions pris la résolution d’aller d’abord dans le désert de Saint-Jean-Baptiste, à deux lieues environ de Jérusalem, dans les montagnes les plus escarpées de la Judée ; de demander là un asile de quelques jours au couvent des religieux latins qui y résident, et d’agir ensuite selon les circonstances. C’était la route de cette solitude que le neveu d’Abougosh nous faisait prendre.

Après avoir marché environ deux heures par des sentiers affreux et sous un soleil dévorant, nous trouvâmes, au re-