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chevaux, sellés et bridés, sont attachés dans la cour de la maison. Aussitôt que les Arabes nous aperçoivent, ils descendent de la terrasse, montent à cheval, et s’avancent au petit pas vers nous. Nous nous rencontrons sur une grande place inculte qui fait face au village, et qu’ombragent cinq ou six beaux figuiers.

C’était le fameux Abougosh et sa famille. Il s’avança seul avec son frère au-devant de moi : sa suite resta en arrière. Je fis à l’instant arrêter aussi la mienne, et je m’approchai avec mon interprète. Après les saluts d’usage et les compliments interminables qui précèdent toute conversation avec les Arabes, Abougosh me demanda si je n’étais pas l’émir franc que son amie lady Stanhope, la reine de Palmyre, avait mis sous sa protection, et au nom de qui elle lui avait envoyé la superbe veste de drap d’or dont il était vêtu, et qu’il me montra avec orgueil et reconnaissance. J’ignorais ce don de lady Stanhope, fait si obligeamment en mon nom ; mais je répondis que j’étais en effet l’étranger que cette femme illustre avait confié à la générosité de ses amis de Jérémie ; que j’allais visiter toute la Palestine, où la domination d’Abougosh était reconnue, et que je le priais de donner les ordres nécessaires pour que lady Stanhope n’eût pas de reproches à lui adresser. À ces mots, il descendit de cheval, ainsi que son frère ; il appela quelques cavaliers de sa suite, et leur ordonna d’apporter des nattes, des tapis et des coussins, qu’il fit étendre sous l’ombre d’un grand figuier dans le champ même où nous étions, et nous pria avec de si vives instances de descendre nous-mêmes de cheval et de nous asseoir sur ce divan rustique, qu’il nous fut impossible de nous y refuser.