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qu’on aima et qu’on a vu mourir est doublement sacrée. Qui de nous ne préfère le peu de mots que lui a enseignés sa mère aux plus belles hymnes qu’il pourrait composer lui-même ? Voilà pourquoi, de quelque religion que notre raison nous fasse à l’âge de raison, la prière chrétienne sera toujours la prière du genre humain. J’ai fait seul ainsi la prière du soir et de la mer pour cette femme qui ne calcule aucun péril pour s’unir à mon sort, pour cette belle enfant qui jouait pendant ce temps sur le pont dans la chaloupe avec la chèvre qui doit lui donner son lait, avec les beaux et doux lévriers qui lèchent ses blanches mains, qui mordillent ses longs et blonds cheveux.




Le 12, au matin, à la voile.


Pendant la nuit le vent a changé, et il a fraîchi ; j’entendais, de ma cabine à l’entre-pont, les pas, les voix et le chant plaintif des matelots retentir longtemps sur ma tête avec les coups de la chaîne de l’ancre qu’on rattachait a la proue. On remettait à la voile ; nous partions. Je me rendormis. Quand je me réveillai, et que j’ouvris le sabord pour regarder les côtes de France que nous touchions la veille, je ne vis plus que l’immense mer vide, nue, clapo-