Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/388

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

riches bijoux, et se mirent à table à un seul repas avec nous. Le reste du temps, elles étaient occupées à nous préparer nos repas dans une petite cour intérieure, où nous les apercevions en sortant de la maison et en y entrant. Les jeunes gens, élevés dans le respect que les coutumes orientales commandaient aux fils pour leur père, ne s’asseyaient jamais non plus avec nous pendant le repas. Ils se tenaient debout derrière leur père, et veillaient à ce que rien ne manquât aux convives.

À peine entrés dans la maison, nous reçûmes la visite d’un grand nombre d’habitants du pays, qui vinrent nous féliciter et nous offrir leurs services. On prit le café, on apporta les pipes, et la soirée se passa dans les conversations, intéressantes pour nous, que notre curiosité provoquait. Le gouverneur de Jaffa, que j’avais envoyé complimenter par mon interprète, ne tarda pas à venir lui-même nous rendre visite. C’était un jeune et bel Arabe, revêtu du plus riche costume, et dont les manières et le langage attestaient la noblesse du cœur et l’élégance exquise des habitudes. J’ai peu vu de plus belles têtes d’homme. Sa barbe noire et soignée descendait en ondes luisantes et s’étendait en éventail sur sa poitrine ; sa main, dont les doigts étincelaient d’énormes diamants, jouait sans cesse dans les flots de cette barbe, et y passait et repassait constamment pour l’assouplir et la peigner. Son regard était fier, doux et ouvert, comme le regard de tous les Turcs en général. On sent que ces hommes n’ont rien à cacher ; ils sont francs parce qu’ils sont forts : ils sont forts parce qu’ils ne s’appuient jamais sur eux-mêmes et sur une vaine habileté, mais toujours sur l’idée de Dieu qui dirige tout, sur la providence qu’ils ap-