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reflètent une autre. Après nous avoir offert tous les soins de l’hospitalité la plus simple et la plus poétique cependant, les jeunes filles vinrent prendre aussi leur place à côté de leur mère, sur le divan, en face de nous.

C’est ce tableau que je voudrais pouvoir rendre avec des paroles, pour le conserver dans ces notes comme je le vois dans ma pensée ; mais nous avons en nous de quoi sentir la beauté dans toutes ses nuances, dans toutes ses délicatesses, dans tous ses mystères, et nous n’avons qu’un mot vague et abstrait pour dire ce qu’est la beauté. C’est là le triomphe de la peinture : elle rend d’un trait, elle conserve pour des siècles cette impression ravissante d’un visage de femme, dont le poëte ne peut que dire : Elle est belle ; et il faut le croire sur parole ; mais sa parole ne peint pas.

La jeune fille était donc assise sur les tapis, les jambes repliées sous elle, le coude appuyé sur les genoux de sa mère, le visage un peu penché en arrière, tantôt levant ses yeux bleus pour exprimer à sa mère son naïf étonnement de notre aspect et de nos paroles, tantôt les reportant sur nous avec une curiosité gracieuse, puis les abaissant involontairement et les cachant sous les longues soies de ses cils noirs, pendant qu’une rougeur nouvelle colorait ses joues, ou qu’un léger sourire mal contenu effleurait ses lèvres. Notre singulier costume était nouveau pour elle, et la bizarrerie de nos usages lui causait un étonnement toujours nouveau ; sa mère lui faisait en vain signe de ne pas témoigner sa surprise, de peur de nous offenser : la simplicité et la naïveté de ses impressions se faisaient jour malgré elle sur cette figure de seize ans, et son âme se peignait dans chaque expression de ses