Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/330

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nie ! ainsi de plusieurs autres écrivains ou grands hommes dont le nom ou les écrits ont fortement retenti en moi. J’ai voulu les étudier, les connaître dans les lieux qui les avaient enfantés ou inspirés ; et presque toujours un coup d’œil intelligent découvre une analogie secrète et profonde entre la patrie et le grand homme, entre la scène et l’acteur, entre la nature et le génie qui en fut formé et inspiré. Mais ce n’était plus un grand homme ou un grand poëte dont je visitais le séjour favori ici-bas ; — c’était l’homme des hommes, l’homme divin, la nature et le génie et la vertu faits chair, la Divinité incarnée, dont je venais adorer les traces sur les rivages mêmes où il en imprima le plus, sur les flots mêmes qui le portèrent, sur les collines où il s’asseyait, sur les pierres où il reposait son front. Il avait, de ses yeux mortels, vu cette mer, ces flots, ces collines, ces pierres ; ou plutôt cette mer, ces collines, ces pierres l’avaient vu ; il avait foulé cent fois ce chemin où je marchais respectueusement ; ses pieds avaient soulevé cette poussière qui s’envolait sous les miens : pendant les trois années de sa mission divine, il va et vient sans cesse de Nazareth à Tibériade, de Jérusalem à Tibériade ; il se promène dans les barques des pêcheurs sur la mer de Galilée, il en calme les tempêtes ; il y monte sur les flots en donnant la main à son apôtre de peu de foi comme moi, main céleste dont j’ai besoin plus que lui dans des tempêtes d’opinions et de pensées plus terribles !

La grande et mystérieuse scène de l’Évangile se passe presque tout entière sur ce lac et au bord de ce lac, et sur les montagnes qui entourent et qui voient ce lac. Voilà Emmaüs, où il choisit au hasard ses disciples parmi les derniers des hommes, pour témoigner que la force de sa doctrine est