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tarder dans les faits ; c’était une affaire de jours et d’heures. J’ai pleuré cette famille, qui semblait condamnée à la destinée et à la cécité d’Œdipe ! J’ai déploré surtout ce divorce sans nécessité entre le passé et l’avenir ! L’un pouvait être si utile à l’autre ! La liberté, le progrès social, auraient emprunté tant de force de cette adoption que les anciennes maisons royales, les vieilles familles, les vieilles vertus, auraient faite d’eux ! Il eût été si politique et si doux de ne pas séparer la France en deux camps, en deux affections ; de marcher ensemble, les uns pressant le pas, les autres le ralentissant pour ne pas se désunir en route ! Tout cela n’est plus qu’un rêve ! il faut le regretter, mais il ne faut pas perdre le jour à le repasser inutilement. Il faut agir et marcher ; c’est la loi des choses, c’est la loi de Dieu ! Je regrette que ce qu’on nomme le parti royaliste, qui renferme tant de capacités, d’influence et de vertus, veuille faire une halte dans la question de Juillet. Il n’était pas compromis dans cette affaire, affaire de palais, d’intrigue, de coterie, où la grande majorité royaliste n’avait eu aucune part. Il est toujours permis, toujours honorable de prendre sa part du malheur d’autrui ; mais il ne faut pas prendre gratuitement sa part d’une faute que l’on n’a pas commise. Il fallait laisser à qui la revendique la faute des coups d’État et de la direction rétrograde, plaindre et pleurer les augustes victimes d’une erreur fatale, ne rien renier des affections honorables pour eux, ne point repousser les espérances éloignées, mais légitimes ; et pour tout le reste rentrer dans les rangs des citoyens, penser, parler, agir, combattre avec la famille des familles, avec le pays ! Mais laissons cela ! Nous reverrons la France dans deux ans. Que Dieu la protége, et tout ce que nous y laissons de cher et d’excellent dans tous les partis !