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pour passer la farine et la séparer du son, une pièce de toile de coton, et une pièce d’étoffe plus riche pour faire une robe à la fiancée.

Ce jour-là, commencèrent en moi des impressions nouvelles et entièrement différentes de celles que mon voyage m’avait jusque-là inspirées : — j’avais voyagé des yeux, de la pensée et de l’esprit ; je n’avais pas voyagé de l’âme et du cœur comme en touchant la terre des prodiges, la terre de Jéhovah et du Christ, la terre dont tous les noms avaient été mille fois balbutiés par mes lèvres d’enfant, dont toutes les images avaient coloré, les premières, ma jeune et tendre imagination ; la terre d’où avaient coulé pour moi, plus tard, les leçons et les douceurs d’une religion, seconde âme de notre âme ! Je sentis en moi comme si quelque chose de mort et de froid venait à se ranimer et s’attiédir ; je sentis ce qu’on sent en reconnaissant, entre mille figures inconnues et étrangères, la figure d’une mère, d’une sœur ou d’une femme aimée ; — ce qu’on sent en sortant de la rue pour entrer dans un temple : quelque chose de recueilli, de doux, d’intime, de tendre et de consolant, qu’on n’éprouve pas ailleurs.

Le temple, pour moi, c’était cette terre de la Bible, de l’Évangile, où je venais d’imprimer mes premiers pas ! Je priai Dieu en silence, dans le secret de ma pensée ; je lui rendis grâce d’avoir permis que je vécusse assez pour venir porter mes yeux jusque sur ce sanctuaire de la terre sainte : et de ce jour, pendant toute la suite de mon voyage en Judée, en Galilée, en Palestine, les impressions poétiques, matérielles, que je recevais de l’aspect et du nom des lieux,