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en cercle non loin de nous, et nous contemplaient avec un regard de vautour. Les femmes de Séphora, vêtues exactement comme les femmes d’Abraham et d’Isaac, avec une tunique bleue nouée au milieu du corps, et les plis renflés d’une autre tunique blanche retombant gracieusement sur la tunique bleue, apportaient, sur leurs têtes coiffées d’un turban bleu, les urnes vides couchées sur le ventre, — ou les remportaient pleines et droites sur leurs têtes, en les soutenant des deux mains comme des cariatides de l’Acropolis ; d’autres filles, dans le même costume, lavaient à la fontaine, et riaient entre elles en nous regardant ; d’autres enfin, vêtues de robes plus riches, et la tête couverte de bandelettes de piastres ou de sequins d’or, dansaient sous un large grenadier, à quelque distance de la fontaine et de nous : leur danse, molle et lente, n’était qu’une ronde monotone accompagnée de temps en temps de quelques pas sans art, mais non sans grâce. — La femme a été créée gracieuse ; les mœurs et les costumes ne peuvent altérer en elle ce charme de la beauté, de l’amour, qui l’enveloppe et qui la trahit partout : ces femmes arabes n’étaient pas voilées comme toutes celles que nous avions vues jusque-là en Orient, et leurs traits, quoique légèrement tatoués, avaient une finesse et une régularité qui les distinguaient de la race turque. Elles continuèrent à danser et à chanter pendant tout le temps que dura notre halte, et ne parurent point s’offenser de l’attention que nous donnâmes à leur danse, à leur chant et à leur costume. On nous dit qu’elles étaient réunies là pour attendre les présents de noce qu’un jeune Arabe était allé acheter à Nazareth pour une des filles de Séphora, sa fiancée. Nous rencontrâmes en effet, le même jour, les présents sur la route : ils consistaient en un tamis