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deux collines sont ombragés çà et là, de vingt pas en vingt pas, par des touffes d’arbustes variés qui ne perdent jamais leurs feuilles ; à une distance un peu plus grande, s’élèvent des arbres au tronc noueux, aux rameaux nerveux et entrelacés, au feuillage immobile et sombre ; la plupart sont des chênes verts d’une espèce particulière, dont la tige est plus légère et plus élancée que celle des chênes d’Europe, et dont la feuille, veloutée et arrondie, n’a pas la dentelure de la feuille du chêne commun : le caroubier, le térébinthe, et plus rarement le platane et le sycomore, complètent le vêtement de ces collines. Je ne connais pas les autres arbres par leur nom : quelques-uns ont le feuillage des sapins et des cèdres ; d’autres (et ce sont les plus beaux) ressemblent à d’immenses saules par la couleur de leur écorce, la grâce de leur feuillage et la nuance tendre et jaunâtre de ce feuillage ; mais ils le surpassent au delà de toute proportion en étendue, en grosseur, en élévation. — Les caravanes les plus nombreuses peuvent se rencontrer autour de leur tronc colossal et camper ensemble, avec leurs bagages et leurs chameaux, sous leur ombre ; dans les espaces larges et fréquents que ces arbres divers laissent à nu sur les pentes des collines, des bancs de roches blanchâtres, et plus souvent d’un gris bleu, percent la terre et se montrent au soleil, comme les muscles vigoureux d’une forte charpente humaine, qui s’articulent plus en saillie dans la vieillesse, et semblent prêts à percer la peau qui les enveloppe ; — mais entre ces bancs ou ces blocs de roches, une terre noire, légère et profonde, végète sans cesse, et produirait incessamment le blé, l’orge, le maïs, pour peu qu’on la remuât, ou des forêts de broussailles épineuses, de grenadiers sauvages, de roses de Jéricho, et de chardons énormes dont la