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prince du Liban a dû alors se déclarer ; et, selon l’usage des Orientaux, il a vu le doigt de Dieu dans la victoire, et il s’est rangé du côté du succès. Néanmoins il l’a fait comme à regret, et en se ménageant, selon toute apparence, le prétexte de la contrainte vis-à-vis de la Porte. Il est à croire que si Ibrahim-Pacha venait à essuyer des revers, l’émir Beschir se tournerait encore du côté des Turcs, et les aiderait à écraser les Arabes ; Ibrahim, qui se doute de cette politique à deux tranchants, compromet tant qu’il peut le prince ; il l’a forcé à lui donner un de ses fils et quelques-uns de ses meilleurs cavaliers, pour l’accompagner du côté de Homs ; et ses autres fils, descendus de la montagne, gouvernent militairement, au nom des Égyptiens, les principales villes de la Syrie.

La tête de l’émir Beschir tient au triomphe d’Ibrahim à Homs ; si celui-ci est vaincu, la réaction des Turcs contre les chrétiens du Liban et contre le prince lui-même sera implacable : d’un autre côté, si Ibrahim reste maître de la Syrie, il ne pourra voir longtemps sans ombrage une puissance indépendante de la sienne, et il tâchera ou de la détruire par la politique, ou de la renverser à jamais en détruisant la famille de Chab. Si l’émir Beschir était plus jeune et plus actif, il pourrait résister à ces deux agressions, et constituer pour longtemps, et peut-être pour toujours, sa domination et celle de ses fils sur la partie la plus inaccessible, la plus peuplée et la plus riche de la Syrie. Les montagnards qu’il commande sont braves, intelligents, disciplinés ; les routes pour arriver au centre du Liban sont impraticables ; les Maronites, qui deviennent très-nombreux dans le Liban, seraient dévoués à l’émir par le sentiment