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du pacha, et forcé d’évacuer la ville, il se trouva, dans sa retraite, cerné par l’ennemi. La situation était critique : Beschir poussa vivement son cheval vers une muraille, du haut de laquelle il se précipita sous une grêle de balles ; heureusement il ne fut point atteint, mais son cheval se tua dans cette chute.

De retour au Liban, l’émir Beschir s’appliqua tout entier aux affaires, et voulut ramener l’ordre dans l’administration de l’émir Joussef. Bientôt l’ambition s’éveilla dans son âme ; il se rappela de qui il était fils, et, quoique pauvre, il convoita le souverain pouvoir. Ses manières et son courage lui avaient attiré l’amitié de plusieurs familles puissantes ; il travailla à s’en attacher d’autres que dégoûtait la mauvaise administration de l’émir Joussef, et réussit à mettre dans ses intérêts une famille considérable et très-influente, celle de Kantar, dont le chef, l’homme le plus habile qui fût alors dans le Liban, était immensément riche et portait le titre de scheik Beschir, c’est-à-dire grand et illustre. Il ne manquait plus à l’émir Beschir qu’une occasion : elle se présenta.

Depuis 1785, époque à laquelle Djezar-Pacha avait rendu à Joussef le commandement dont il l’avait privé pendant plus d’un an, les hostilités avaient complétement cessé entre ces deux princes. L’émir Joussef envoyait tous les ans à Saint-Jean d’Acre des officiers qui lui rapportaient la pelisse avec les compliments d’usage : cependant il craignait toujours une mésintelligence entre lui et le pacha, ce qui ne tarda pas à arriver.

En 1789, une rupture violente éclata entre ces deux