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tendu ! Plus tard… Mais mes malheurs ne sont pas finis, et je retrouverai son amitié tant qu’il y aura du désespoir à étancher dans mon cœur, des larmes à mêler aux miennes.

Deux hommes bons, spirituels, instruits, deux hommes d’élite, sont arrivés aussi pour nous accompagner dans ce pèlerinage. L’un est M. de Capmas, sous-préfet, privé de sa carrière par la révolution de Juillet, et qui a préféré les chances précaires d’un avenir pénible et incertain à la conservation de sa plate. Un serment aurait répugné à sa loyauté, par là même qu’il eût semblé intéressé. C’est un de ces hommes qui ne calculent rien devant un scrupule de l’honneur, et chez qui les sympathies politiques ont toute la chaleur et la virginité d’un sentiment.

L’autre de nos compagnons est un médecin d’Hondschoote, M. de la Royère. Je l’ai connu chez ma sœur, à l’époque où je méditais ce départ. La pureté de son âme, la grâce originale et naïve de son esprit, l’élévation de ses sentiments politiques et religieux, me frappèrent. Je désirai l’emmener avec moi, bien plus comme ressource morale que comme providence de santé. Je m’en suis félicité depuis. Je mets bien plus de prix à son caractère et à son esprit qu’à ses talents, quoiqu’il en ait de très-constatés. Nous causons ensemble de politique bien plus que de médecine. Ses vues et ses idées sur le présent et l’avenir de la France sont larges, et nullement bornées par des affections ou des répugnances de personnes. Il sait que la Providence ne fait point acception de parti dans son œuvre, et il voit comme moi, dans la politique humaine, des idées et non pas des noms propres. Sa pensée va au but, sans s’inquiéter par qui