Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/214

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cœur de lady Esther ; les autres, à un simple goût d’aventures que le caractère entreprenant et courageux de cette jeune personne pouvait faire présumer en elle. Quoi qu’il en soit, elle partit ; elle passa quelques années à Constantinople, et s’embarqua enfin pour la Syrie sur un bâtiment anglais qui portait aussi la plus grande partie de ses trésors, et des valeurs immenses en bijoux et en présents de toute espèce.

La tempête assaillit le navire dans le golfe de Macri, sur la route de Caramanie, en face de l’île de Rhodes : il échoua sur un écueil, à quelques milles du rivage. Le vaisseau fut en peu d’instants brisé, et les trésors de lady Stanhope furent engloutis dans les flots : elle-même échappa avec peine à la mort, et fut portée, sur un débris du bâtiment, à une petite île déserte, où elle passa vingt-quatre heures sans aliments et sans secours. Enfin, des pêcheurs de Marmoriza, qui recherchaient les débris du naufrage, la découvrirent et la conduisirent à Rhodes, où elle se fit reconnaître du consul anglais. Ce déplorable événement n’attiédit pas sa résolution. Elle se rendit à Malte, de là en Angleterre. Elle rassembla les débris de sa fortune ; elle vendit à fonds perdu une partie de ses domaines ; elle chargea un second navire de richesses et de présents pour les contrées qu’elle devait parcourir, et elle mit à la voile. Le voyage fut heureux, et elle débarqua à Latakieh, l’ancienne Laodicée, sur la côte de Syrie, entre Tripoli et Alexandrette. Elle s’établit dans les environs, apprit l’arabe, s’entoura de toutes les personnes qui pouvaient lui faciliter des rapports avec les différentes populations arabes, druzes, maronites du pays, et se prépara, comme je le faisais alors moi-même, à des voyages