Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/209

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il y a cinq ou six pièces semblables dans ma maison de ville au premier étage, et autant au second, outre un grand nombre de petites pièces hautes et détachées, pour des domestiques européens ; les janissaires, les saïs, les domestiques arabes, couchent à la porte de la rue, ou sous le corridor, ou dans la cour ; on ne s’occupe jamais de leur trouver une place ou un lit. Le peuple ici n’a d’autre lit que la terre et une natte de paille d’Égypte. La beauté du climat a pourvu à tout, et nous éprouvons nous-mêmes qu’il n’y a pas de ciel de lit plus délicieux que ce beau firmament étoilé, où les brises légères de la mer apportent un peu de fraîcheur et sollicitent au sommeil ; il y a peu ou point de rosée, et il suffit de se couvrir les yeux d’un mouchoir de soie pour dormir ainsi en plein air, sans aucun inconvénient.

Cette maison n’est qu’une sûreté pour ma femme et mon enfant, en cas de retraite d’Ibrahim-Pacha : je me suis contenté d’en prendre les clefs, et nous ne l’occuperions que si le reste du pays devenait inhabitable. Sous la garantie des consuls européens, dans une ville fermée de murs, et à côté d’un port où des vaisseaux de toutes les nations sont sans cesse à l’ancre, il ne peut pas y avoir un péril imminent pour des voyageurs. J’ai loué la maison de ville pour un an mille piastres, c’est-à-dire trois cents francs environ ; les cinq maisons de campagne réunies ne me coûtent que trois mille piastres, en tout treize cents francs par an, pour avoir six maisons, dont une seule, celle de la ville, coûterait au moins quatre ou cinq mille francs en Europe.

Il y a, sur une langue de terre à gauche de la ville, une des plus délicieuses habitations que l’on puisse désirer au