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peine le temps de la regarder. Il semblait accablé et expirant lui-même sous le poids des veilles et des fatigues dont ces usages bizarres épuisent les forces de l’amour même. L’évêque prit des mains d’un de ses prêtres une couronne de fleurs naturelles, la posa sur la tête de la jeune fille, la reprit, la plaça sur les cheveux du jeune homme, la reprit encore pour la remettre sur le voile de l’épouse, et la passa ainsi plusieurs fois d’une tête à l’autre. Puis on leur passa également tour à tour des anneaux aux doigts l’un de l’autre. Ils rompirent ensuite le même morceau de pain, ils burent le vin consacré dans la même coupe. Après quoi on emmena la jeune mariée dans des appartements où les femmes seules purent la suivre, pour changer encore sa toilette. Le père et les amis du mari l’emmenèrent de leur côté dans le jardin, et on le fit asseoir au pied d’un arbre entouré de tous les hommes de sa famille. Les musiciens et les danseurs arrivèrent alors, et continuèrent jusqu’au coucher du soleil leurs symphonies barbares, leurs cris aigus et leurs contorsions auprès du jeune homme, qui s’était endormi au pied de l’arbre, et que ses amis réveillaient en vain à chaque instant.

Quand la nuit fut venue, on le conduisit seul et processionnellement jusqu’à la maison de son père. Ce n’est qu’après huit jours que l’on permet au nouvel époux de venir prendre sa femme et de la conduire chez lui.

Les femmes qui remplissaient de leurs cris la maison d’Habib sortirent aussi un peu plus tard. Rien n’était plus pittoresque que cette immense procession de femmes et de jeunes filles dans les costumes les plus étranges et les plus