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oasis des îles de la Méditerranée, ressemble entièrement à toutes les îles pelées, ternes, nues de l’Archipel ; — c’est la carcasse d’une de ces îles enchantées où l’antiquité avait placé la scène de ses cultes les plus poétiques. Il est vrai que, pressé d’arriver en Asie, je n’ai visité que de l’œil les scènes éloignées et pittoresques dont cette île est, dit-on, remplie ; à mon retour, je dois y faire un séjour d’un mois, et parcourir en détail les montagnes de Chypre.

L’île est fertile dans toutes ses parties : oranges, olives, raisins, figues, vignes, cotons, tout y réussit, même la canne à sucre. Cette terre de promission, ce beau royaume pour un chevalier des croisades ou pour un compagnon de Bonaparte, nourrissait autrefois jusqu’à deux millions d’hommes ; il n’y reste que trente mille habitants grecs et quelques Turcs. Rien ne serait plus aisé que de s’emparer de cette souveraineté ; un aventurier y réussirait sans peine avec une poignée de soldats et quelques millions de piastres ; cela en vaudrait la peine, s’il y avait chance de la conserver. Mais l’Europe, qui a tant besoin de colonies, s’oppose à ce qu’on lui en fasse ; la jalousie des puissances viendrait au secours des Turcs, sèmerait la discorde dans la nouvelle conquête, et le conquérant aurait le sort du roi Théodore. — Quel dommage ! c’est un beau rêve ; et huit jours le changeraient en réalité.