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que je voudrais seuls gravés sur ma pierre, si je mérite jamais une pierre.

Voilà la source de l’idée qui me chasse maintenant vers les rivages de l’Asie. Voilà pourquoi je suis à Marseille et je prends tant de peine pour quitter un pays que j’aime, où j’ai des amis, où quelques pensées fraternelles me pleureront et me suivront.




Marseille, 22 mai.


J’ai nolisé un navire de deux cent cinquante tonneaux, de dix-neuf hommes d’équipage. Le capitaine est un homme excellent. Sa physionomie m’a plu. Il a dans la voix cet accent grave et sincère de la probité ferme et de la conscience nette : il a de la gravité dans l’expression de la physionomie, et dans le regard ce rayon droit, franc et vif, symptôme certain d’une résolution prompte, énergique et intelligente. C’est de plus un homme doux, poli et bien élevé. Je l’ai examiné avec le soin que l’on doit naturellement apporter dans le choix d’un homme à qui l’on va confier non-seulement sa fortune et sa vie, mais la vie de sa femme et d’un enfant unique, où la vie des trois êtres est concentrée dans une seule. Que Dieu nous garde et nous ramène !