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templer en me l’expliquant, pour ma récompense. Elle était douée par la nature d’une âme aussi pieuse que tendre, et de l’imagination la plus sensible et la plus colorée ; toutes ses pensées étaient sentiments, tous ses sentiments étaient images ; sa belle et noble et suave figure réfléchissait, dans sa physionomie rayonnante, tout ce qui brûlait dans son cœur, tout ce qui se peignait dans sa pensée ; et le son argentin, affectueux, solennel et passionné de sa voix, ajoutait à tout ce qu’elle disait un accent de force, de charme et d’amour, qui retentit encore en ce moment dans mon oreille, hélas ! après six ans de silence ! La vue de ces gravures, les explications et les commentaires poétiques de ma mère, m’inspiraient dès la plus tendre enfance des goûts et des inclinations bibliques. De l’amour des choses au désir de voir les lieux où ces choses s’étaient passées, il n’y avait qu’un pas. Je brûlais donc, dès l’âge de huit ans, du désir d’aller visiter ces montagnes où Dieu descendait ; ces déserts où les anges venaient montrer à Agar la source cachée, pour ranimer son pauvre enfant banni et mourant de soif ; ces fleuves qui sortaient du Paradis terrestre ; ce ciel où l’on voyait descendre et monter les anges sur l’échelle de Jacob. Ce désir ne s’était jamais éteint en moi : je rêvais toujours, depuis, un voyage en Orient, comme un grand acte de ma vie intérieure : je construisais éternellement dans ma pensée une vaste et religieuse épopée dont ces beaux lieux seraient la scène principale ; il me semblait aussi que les doutes de l’esprit, que les perplexités religieuses devaient trouver là leur solution et leur apaisement. Enfin, je devais y puiser des couleurs pour mon poëme ; car la vie pour mon esprit fut toujours un grand poëme, comme pour mon cœur elle fut de l’amour. Dieu, Amour et Poésie, sont les trois mots