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humaine que celle qui a trouvé un grand homme pour ordonner, un architecte pour concevoir, un sculpteur pour décorer, des statuaires pour exécuter, des ouvriers pour tailler, un peuple pour solder, et des yeux pour comprendre et admirer un pareil édifice ? Où retrouvera-t-on et une époque et un peuple pareils ? Rien ne l’annonce. À mesure que l’homme vieillit, il perd la séve, la verve, le désintéressement nécessaire pour les arts ! Les Propylées, — le temple d’Érechthée ou celui des Cariatides, sont à côté du Parthénon. — Chefs-d’œuvre eux-mêmes, mais noyés dans ce chef-d’œuvre ; l’âme, frappée d’un coup trop fort à l’aspect du premier de ces édifices, n’a plus de force pour admirer les autres ; il faut voir et s’en aller, — en pleurant moins sur la dévastation de cette œuvre surhumaine de l’homme, que sur l’impossibilité de l’homme d’en égaler jamais la sublimité et l’harmonie. Ce sont de ces révélations que le ciel ne donne pas deux fois a la terre : — c’est comme le poëme de Job, ou le Cantique des Cantiques ; comme le poëme d’Homère, ou la musique de Mozart ! cela se fait, se voit, s’entend ; puis cela ne se fait plus, ne se voit plus, ne s’entend plus, jusqu’à la consommation des âges. — Heureux les hommes par lesquels passent ces souffles divins ! ils meurent, mais ils ont prouvé à l’homme ce que peut être l’homme ; et Dieu les rappelle à lui pour le célébrer ailleurs et dans une langue plus puissante encore ! — J’erre tout le jour, muet, dans ces ruines, et je rentre l’œil ébloui de formes et de couleurs, le cœur plein de mémoire et d’admiration ! Le gothique est beau ; mais l’ordre et la lumière y manquent ; — ordre et lumière, ces deux principes de toute création éternelle ! — Adieu pour jamais au gothique.