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se décomposera de nouveau. C’est comme en Italie : des hommes les plus intelligents et les plus courageux, des hommes, des individualités brillantes, mais pas de lien commun ; — des Grecs, et point de nation !

Partis le 18 à midi d’Égine, nous voyons le soleil s’éteindre dans le vallon doré qui se creuse sur l’isthme de Corinthe, entre l’Acro-Corinthe et les montagnes de l’Attique ; il enflamme toute cette partie du ciel, et c’est là que, pour la première fois, nous trouvons cette splendeur du firmament qui donne son charme et sa gloire à l’Orient. Salamine, tombeau de la flotte de Xerxès, est à quelques pas devant nous : côte grise, terre noirâtre, sans autre attrait que son nom ; — sa bataille navale et la mémoire de Thémistocle la font saluer avec respect par le nautonier. Les montagnes de l’Attique élèvent leurs noirs sommets au-dessus de Salamine, et à droite, sur une des cimes décroissantes d’Égine, le temple de Jupiter Panhellénien, doré par les derniers rayons du jour, s’élève au-dessus de cette scène, une des plus belles de la nature historique, et jette son religieux souvenir sur cette mémoire des lieux et des temps. La pensée religieuse de l’humanité se mêle à tout et consacre tout ; mais la religion des Grecs, religion de l’esprit et de l’imagination, et non du cœur, ne fait pas sur moi la moindre impression : on sait que ces dieux du peuple n’étaient que le jeu de la poésie et de l’art, des dieux feints et rêvés ; — rien de grave, rien de réel, rien de puisé dans les profondeurs de la nature et de l’âme humaine avant Socrate et Platon ! Là commence la religion de la raison ! Puis vient le christianisme, qui avait reçu de son divin fondateur le mot et la clef de la destinée humaine !… Les âges