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les montagnes qui se dessinent de l’autre côté de la mer d’Athènes. Nous filons dix nœuds, dans un nuage de poussière humide, et sous les flocons d’écume qui s’élancent de la proue et des deux flancs du navire. De temps en temps l’horizon s’éclaircit, et nous laisse entrevoir le cap Colonne qui blanchit devant nous. Nous espérons aller le soir mouiller au pied de ces colonnes, et saluer la mémoire du divin Platon, qui venait méditer, deux mille ans avant nous, sur ce même promontoire de Sunium. Mes regards ne quittent pas l’horizon des montagnes d’Athènes, d’où la tempête nous repousse. Enfin, au déclin du soleil, le vent s’amollit ; nous faisons une bordée sur l’île d’Égine. Nous tombons presque en calme à l’abri de l’île et de la côte du continent, et nous entrons à la chute du jour dans un autre golfe formé par l’île et par les beaux rivages de Corinthe. La mer est comme un miroir, et il nous semble naviguer sur un fleuve sans vagues, dont le cours insensible nous porte jusqu’au mouillage. Nous jetons l’ancre, au moment où la nuit tombe, dans un lac immense et enchanté, que de sombres montagnes enveloppent, et où la lune qui s’élève frappe de sa blancheur l’Acropolis de Corinthe et les colonnes du temple d’Égine. Nous sommes à quelques centaines de pas de l’île, en face de jardins ombragés de beaux platanes. Quelques maisons blanches brillent au milieu de la verdure. Repos et souper tranquille sur le pont, après une journée de périls et de fatigues ; vie des voyageurs et de l’homme sur la terre.

À notre droite, l’île d’Égine, adoucissant ses pentes noires et rapides, étend sur un golfe une langue de terre semée de quelques cyprès, de vignes et de figuiers ; la ville