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Puis, quand en quatre bonds le désert est franchi,
Jouant avec le mors que l’écume a blanchi,
Touchant sans le passer le but qu’on lui désigne,
Et sous la main qu’on tend courbant son cou de cygne.

Voilà l’homme, voilà le pontife immortel !
Pontife que Dieu fit pour parfumer l’autel,
Pour dérober au sphinx le mot de la nature,
Pour jeter son flambeau dans notre nuit obscure,
Et nous faire épeler, dans ses divins accents,
Ce grand livre du sort dont lui seul a le sens.

Aussi dans ton repos, que ton heureux navire
Soit poussé par l’Eurus ou flatté du Zéphire,
Et, partout où la mer étend son vaste sein,
Flotte d’un ciel à l’autre aux deux bords du bassin ;
Ou que ton char, longeant la crête des montagnes,
Porte en bas ton regard sur nos tièdes campagnes,
Partout où ton œil voit du pont de ton vaisseau
Le phare ou le clocher sortir du bleu de l’eau,
Ou le môle blanchi par les flots d’une plage
Étendre en mer un bras de ville ou de village ;
Partout où ton regard voit au flanc des coteaux
Pyramider en noir les tours des vieux châteaux,
Ou flotter les vapeurs, haleines de nos villes,
Ou des plus humbles toits le soir rougir les tuiles,
Tu peux dire, en ouvrant ton cœur à l’amitié :
« Ici l’on essuierait la poudre de mon pié,
Ici dans quelque cœur mon âme s’est versée :
Car tout un siècle pense et vit de ma pensée ! »
Il ne t’a rien manqué pour égaler du front
Ces noms pour qui le temps n’a plus d’ombre et d’affront,