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Nous couvrir d’une main du bouclier des lois,
Et de l’autre affermir la majesté des rois.

Mais c’est assez parler de nos vaines querelles !
Le temps emportera ce siècle sur ses ailes,
Et laissera tomber dans l’éternelle nuit
De nos dissensions le misérable bruit.
D’autres siècles viendront, chargés d’autres promesses ;
Ils tromperont encor nos trompeuses sagesses ;
Sur leurs cours orageux l’homme encore emporté
Dans ses rêves nouveaux verra la vérité.
C’est la loi des esprits : tout cherche, et tout travaille.
Ce monde, cher Lavigne, est un champ de bataille
Où des ombres d’un jour passent en combattant :
Pour qui ? pour un fantôme, un système, un néant ;
Et quand ils sont tout près de saisir leur idole,
C’est un ballon qui crève, et du vent qui s’envole.

Émule harmonieux des cygnes d’Eurotas,
Ne prêtons point la lyre à ces tristes combats.
Laissons d’un siècle vain l’impuissante sagesse
Soulever ces rochers qui retombent sans cesse ;
Dans la coupe d’Hébé ne versons point de fiel ;
Ne mêlons point les voix de ces filles du ciel,
Ne mêlons pas les sons des lyres profanées
Aux cris des passions, de nos jours déchaînées :
Mais demandons ensemble à la nature, aux dieux,
Ces chants modérateurs, sereins, mélodieux,
Ces chants de la vertu, dont la sainte harmonie
Ressemble quelquefois à la voix du génie,
Qui calment les partis, adoucissent les mœurs,
S’élèvent au-dessus des terrestres clameurs,