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Ou bien que je mesure, aidé par le compas,
Ces espaces remplis du Dieu qui n’y tient pas ;
Si, sur cet océan et de doute et de joie,
Dans son immensité son infini se noie,
Et que je cherche un cri pour crier : « Je te vois ! »
Et que ce cri me manque et défaille à ma voix ;
Ou bien si des hauteurs de cet Être suprême
Mon esprit par son poids retombe sur lui-même ;
Encor jeune de jours et déjà vieux d’ennuis,
Si je sonde à tâtons le cachot où je suis ;
Si je vois aux deux bouts d’une courte carrière
Des doutes en avant, des remords en arrière,
Des apparitions promptes à s’envoler,
Des espoirs sur mes pas montant pour s’écrouler,
Des tombeaux recouverts de roses près d’éclore
S’entr’ouvrant sur les pas des êtres qu’on adore,
Notre cœur avant nous cousu dans le linceul,
L’âme partie avant et le corps resté seul,
Et si je sens pourtant dans ce corps périssable
Renaître de sa mort une âme intarissable,
Couvant ses feux cachés sous la neige des temps,
Avec sa soif de vivre et d’aimer de vingt ans,
Capable d’enfanter et d’animer des mondes,
Mer où la vie épanche et repuise ses ondes,
Sève dont le principe à jamais rajeuni
De forces et de jours tarirait l’infini ;
Et si dans les langueurs de ma nuit inquiète
Je lis pour m’apaiser les rhythmes d’un poète,
Ou si j’entends là-bas sous l’oranger dormant
Bourdonner la guitare, écho d’un cœur d’amant,
Qu’une fenêtre s’ouvre et qu’une vierge en sorte
Pour écouter le son qui supplie à sa porte,
Et que dans le silence ou dans leur entretien
Leur battement de cœur résonne jusqu’au mien :