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Et de l’étang ridé vient effleurer les bords ;
Ou qu’à la fin du fil qui chargeait sa quenouille
La veuve du village à ce bruit s’agenouille
Pour donner leur aumône aux morts :

Ce qu’éveille en mon sein le chant du toit sonore,
Ce n’est pas la gaieté du jour qui vient d’éclore.
Ce n’est pas le regret du jour qui va finir,
Ce n’est pas le tableau de mes fraîches années
Croissant sur ces coteaux parmi ces fleurs fanées
Qu’effeuille encor mon souvenir ;

Ce n’est pas mes sommeils d’enfant sous ces platanes,
Ni ces premiers élans du jeu de mes organes,
Ni mes pas égarés sur ces rudes sommets,
Ni ces grands cris de joie en aspirant vos vagues,
Ô brises du matin pleines de saveurs vagues
Et qu’on croit n’épuiser jamais !

Ce n’est pas le coursier atteint dans la prairie,
Pliant son cou soyeux sous ma main aguerrie
Et mêlant sa crinière à mes beaux cheveux blonds,
Quand, le sol sous ses pieds sonnant comme une enclume,
Sa croupe m’emportait et que sa blanche écume
Argentait l’herbe des vallons !

Ce n’est pas même, amour ! ton premier crépuscule,
Au mois où du printemps la séve qui circule
Fait fleurir la pensée et verdir le buisson,
Quand l’ombre ou seulement les jeunes voix lointaines
Des vierges rapportant leurs cruches des fontaines
Laissaient sur ma tempe un frisson.