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Sur l’abîme de ta justice,
Où toute raison se confond,
Comme du haut d’un précipice
Faut-il avoir plongé sans fond ?
Avec les ruisseaux de sa joue
Faut-il avoir pétri la boue
Dont fut formé l’insecte humain,
Et serré des deux bras la terre,
Comme le guerrier mort qui serre
L’herbe sanglante avec sa main ?


II

Tout cela je l’ai fait, ô funèbre génie
Qui mesure à nos pleurs tes torrents d’harmonie ï
Tout cela je l’ai bu dans la coupe où je bois,
Dans le sang de mon cœur, dans le lait de ma mère,
Dans l’argile où du sort l’eau n’est pas moins amère
Que les larmes des yeux des rois !

Crois-tu qu’en vieillissant sur ce globe des larmes,
Le mal ait émoussé la pointe de ses armes,
Que le cœur du sujet soit d’un autre élément,
Que la fibre royale ait une autre nature,
Et que notre humble chair sèche sous la torture
Sans rendre de gémissement ?