Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 5.djvu/403

Cette page n’a pas encore été corrigée

Et la voile lointaine à l’horizon mouvant
Comme un arbre des flots s’incliner sous le vent,
Et d’où le bruit tonnant des vagues élancées.
Donnant une secousse à l’air de tes pensées,
Te fait rêver pensif à ce vaste miroir
Où Dieu peint l’infini pour le faire entrevoir !…
Un reflet de ton ciel toujours sur ton génie ;
Des cordes de ton cœur la parfaite harmonie ;
La conscience en paix sommeillant dans ton sein,
Comme une eau dont nul pied n’a troublé le bassin ;
Au flanc d’une colline où s’étend ton royaume,
Un toit de tuile rouge ou d’ardoise ou de chaume,
Dont l’ombre soit ton monde, et dont le pauvre seuil
Ne rende après cent ans son maître qu’au cercueil.
Là, des sommeils légers que l’alouette éveille,
Pour reprendre gaiement le sillon de la veille ;
 Une table frugale où la fleur de tes blés
Éclate auprès des fruits que ta greffe a doublés ;
Sur le noyer luisant dont ton chanvre est la nappe,
Un vin dont le parfum te rappelle sa grappe ;
Un platane en été ; dans l’hiver un foyer
Où ta main jette au feu le noyau d’olivier ;
Aux flambeaux dont ta ruche a parfumé la cire,
Des livres cent fois lus que l’on aime à relire,
Phares consolateurs que pour guider notre œil
Les tempêtes du temps ont laissé sur recueil,
Dont nos vents inconstants n’agitent plus la flamme,
Mais qui luisent bien haut au firmament de l’âme !…
Pour que le fond du vase ait encor sa douceur,
Jusqu’au soir de la vie une mère, une sœur,
Un ami des vieux jours, voisin de solitude,
Exact comme l’aiguille et comme l’habitude,
Et qui vienne le soir, de son mot régulier.
Reprendre au coin du feu l’entretien familier.