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Comme du lit des mers les vagues débordées,
Voir les faits s’écrouler sous le choc des idées,
Porter toutes les mains sur l’arche des pouvoirs,
Combiner d’autres droits avec d’autres devoirs,
Parlant en vérités et plus en paraboles,
Arracher Dieu visible à l’ombre des symboles,
Dans l’esprit grandissant où sa foi veut grandir,
Au lieu de le voiler, le faire resplendir,
Et, lui restituant l’univers qu’il anime,
Faire l’homme pontife et le culte unanime !
Écouter les grands bruits que feront en croulant
L’autel renouvelé, le trône chancelant,
Les voix de ces tribuns ameutant les tempêtes,
Artistes, orateurs, penseurs, bardes, prophètes,
Vaste bourdonnement des esprits en émoi,
Dont chacun veut son jour et crie au temps : « A moi ! »

Voilà de l’avenir l’œuvre où la peine abonde ;
Et tu veux qu’au milieu de ce travail d’un monde
Le siècle des six jours, sur sa tâche incliné,
Se retourne pour voir quelle âme a bourdonné ?
C’est l’erreur du ciron qui croit remplir l’espace.
Non : pour tout contenir le temps n’a que sa place ;
La gloire a beau s’enfler, dans les siècles suivants
Les morts n’usurpent pas le soleil des vivants ;
La même goutte d’eau ne remplit pas deux vases ;
Le fleuve en s’écoulant nous laisse dans ses vases,
Et la postérité ne suspend pas son cours
Pour pêcher nos orgueils dans le vieux lit des jours.
 
Quoi ! faut-il en pleurer ? Le doux chant du poète
Ne le charme-t-il donc qu’autant qu’on le répète ?