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Quelle route sans fin nous traçons à ses pas !
Que sera ce chaos, s’il ne l’achève pas ?
Qu’il lui faudra de mains pour élever ces pierres
Que nous taillons à peine au fond de leurs carrières !
Qui donnera le plan, la forme, le dessin ?
Quel effort convulsif contractera son sein ?
Un monde à soulever, couché dans ses vieux langes,
L’homme, image tombée, à dépouiller de fanges,
Comme on dresse au soleil du limon de l’oubli
Dans le sable du Nil un sphinx enseveli !
Sous mille préjugés dans la honte abattue,
Refaire un piédestal à la sainte statue,
Et sur son front levé rendre à l’humanité
Les rayons disparus de sa divinité !
Réveiller l’homme enfant emmailloté de songes,
Des instincts éternels séparer nos mensonges.
Des nuages obscurs qui couvrent l’horizon
Dégager lentement le jour de la raison ;
De chaque vérité dont la lumière est flamme,
Du genre humain croissant féconder la grande âme :
Des peuples écoulés dépassant les niveaux,
Le faire déborder en miracles nouveaux ;
Asservir à l’esprit les éléments rebelles,
Prendre au feu sa fumée, à l’aquilon ses ailes,
Sur des fleuves d’acier faire voguer les chars.
Multiplier ses sens par les sens de nos arts ;
De ces troupeaux humains que la verge fait paître.
Parqués, marqués au flanc par les ciseaux du maître,
Fondre les nations en peuple fraternel,
Marqués au front par Dieu de son chiffre éternel ;
Au lieu de mille lois qu’une autre loi rature,
Dans le code infaillible écrire la nature,
Déshonorer la force, et sur l’esprit dompté
Faire du ciel en nous régner la volonté !