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Ainsi quand le pécheur, fatigué de la rame,
Dans les replis d’une anse a rattaché sa prame,
Il ressaisit la bêche, et du terrain qu’il rompt
Fend la glèbe humectée avec l’eau de son front ;
Et quand la bêche échappe à sa main qu’elle brise.
Il rehisse sa voile au souffle de la brise.
Et regarde, en fendant la mer d’un autre soc,
La poudre de la vague écumer sous son foc ;
Pour son double élément il semble avoir deux âmes.
Taureau dans le sillon, mouette sur les lames.
Poète ! âme amphibie aux éléments divers.
Ta vague ou ton sillon, c’est ta prose ou tes vers !
J’étais ainsi plongé dans cet oubli des choses,
Quand le vent du Midi, parmi l’odeur des roses,
M’apporta cette épître où ton cœur parle au mien
En vers entrecoupés comme un libre entretien ;
Billet où tant de sens parle avec tant de grâce.
Que Virgile l’eût pris pour un billet d’Horace,
Pour un de ces oiseaux du Béranger romain,
Qui, prenant au hasard leur doux vol de sa main.
Les pieds encor trempés des ondes de Banduse,
Allaient porter au loin les saluts de sa muse,
Et dont plusieurs, volant vers la postérité,
S’égarèrent pour nous dans l’immortalité !
Celui qui m’apporta tes vers sur ma fenêtre,
Ami, ressemblait tant aux colombes du maître.
Que, promenant ma main sur l’oiseau familier,
Je cherchai si son cou n’avait pas de collier.
Croyant lire en latin l’exergue de sa bague :
« Je viens du frais Tibur ; » mais il venait d’Eyrague [1] .

  1. Village de Provence, d’où la lettre de M. Dumas était datée.