Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 5.djvu/380

Cette page n’a pas encore été corrigée


Non, je n’ai jamais vu la pâle giroflée,
Fleurissant au sommet de quelque vieille tour
Que bat le vent du Nord ou l’aile du vautour,
Incliner sur le mur sa tige échevelée ;
Non, je n’ai jamais vu la stérile beauté,
Pâlissant sous ses pleurs sa fleur décolorée,
S’exhaler sans amour et mourir ignorée,
Sans croire à l’immortalité !

Passe donc tes doigts blancs sur tes yeux, jeune fille,
Et laisse évaporer ta vie avec tes chants !
Le souffle du Très-Haut sur chaque herbe des champs
Cueille la perle d’or où l’aurore scintille ;
Toute vie est un flot de la mer de douleurs ;
Leur amertume un jour sera ton ambroisie :
Car l’urne de la gloire et de la poésie
Ne se remplit que de nos pleurs !


Saint-Point, 24 août 1838.