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De tes yeux dessillés quand ce voile retombe,
Tu sens ta joue humide et tes mains pleines d’eau ;
Les murs de ce réduit où flottait ce tableau
Semblent se rapprocher pour voûter une tombe ;
Ta lampe y jette à peine un reste de clarté,
Sous tes beaux pieds d’enfant tes parures s’écoulent,
Et tes cheveux épars et les ombres déroulent
Leurs ténèbres sur ta beauté.

Cependant le temps fuit, la jeunesse s’écoule ;
Tes beaux yeux sont cernés d’un rayon de pâleur,
Des roses sans soleil ton teint prend la couleur ;
Sur ton cœur amaigri ton visage se moule ;
Ta lèvre a replié le sourire ; ta voix
A perdu cette note où le bonheur tressaille ;
Des airs lents et plaintifs mesurent maille à maille
Le lin qui grandit sous tes doigts.

Eh quoi ! ces jours passés dans un labeur vulgaire
A gagner miette à miette un pain trempé de fiel,
Cet espace sans air, cet horizon sans ciel,
Ces amours s’envolant au son d’un vil salaire,
Ces désirs refoulés dans un sein étouffant,
Ces baisers, de ton front chassés comme une mouche
Qui bourdonne l’été sur les coins de ta bouche,
C’est donc là vivre, ô belle enfant !

Nul ne verra briller cette étoile nocturne !
Nul n’entendra chanter ce muet rossignol !
Nul ne respirera ces haleines du sol
Que la fleur du désert laisse mourir dans l’urne !