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Ta main laisse échapper le lin brodé de fleurs
Qui doit parer le front d’heureuses fiancées,
Et, de peur de tacher ses teintes nuancées,
Tes beaux yeux retiennent leurs pleurs.

Sur les murs blancs et nus de ton modeste asile,
Pauvre enfant, d’un coup d’œil tout ton destin se lit :
Un crucifix de bois au-dessus de ton lit,
Un réséda jauni dans un vase d’argile,
Sous tes pieds délicats la terre en froids carreaux,
Et, près du pain du jour que la balance pèse,
Pour ton festin du soir le raisin ou la fraise
Que partagent tes passereaux !

Tes mains sur tes genoux un moment se délassent :
Puis tu vas t’accouder sur le fer du balcon
Où le pampre grimpant, le lierre au noir flocon,
A tes cheveux épars, amoureux, s’entrelacent ;
Tu verses l’eau de source à ton pâle rosier,
Tu gazouilles son air à ton oiseau fidèle
Qui becqueté ta lèvre en palpitant de l’aile
A travers les barreaux d’osier.

Tu contemples le ciel que le soir décoloré,
Quelque dôme lointain de lumière écumant,
Ou plus haut, seule au fond du vide firmament,
L’étoile, comme toi, que Dieu seul voit éclore ;
L’odeur des champs en fleurs monte à ton haut séjour,
Le vent fait ondoyer tes boucles sur ta tempe ;
La nuit ferme le ciel, tu rallumes ta lampe,
Et le passé t’efface un jour !…