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Si le rayon vivant de son regard céleste,
Ce rayon, dont mon œil douze ans fut réjoui,
Eût plongé dans le tien comme un éclair qui reste
A jamais dans l’œil ébloui ;

Si ses cheveux, pareils aux rayons de l’aurore,
Dont sa mère lissait les soyeux écheveaux,
Déployant les reflets du cuivre qui les dore,
Avaient déroulé leurs anneaux ;
Si tu les avais vus en deux ailes de femme,
Sur sa trace en courant après elle voler.
Et découvrir ce front où les baisers de l’âme
Allaient d’eux-mêmes se coller ;

Si ton oreille avait entendu l’harmonie
De sa voix, où déjà vibraient à l’unisson
L’innocence et l’amour, le cœur et le génie,
Modulés dans un même son ;
Si de ce doux écho ton oreille était pleine.
Et si, passant ton doigt sur ton front incertain,
Comme moi tu sentais encor la tiède haleine
De ses longs baisers du matin ;

Comme moi tu n’aurais qu’un seul nom sur la bouche,
Qu’une blessure au cœur, qu’une image dans l’œil,
Qu’une ombre sur tes pas, qu’un me dans ta couche,
Qu’une lampe au fond du cercueil !
Elle, elle, et toujours elle ! elle dans chaque aurore !
Elle dans l’air qui flotte, afin d’y respirer !
Elle dans le passé, pour s’y tourner encore !
Elle au ciel, pour le désirer !