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sme de son opinion, il n’en avait pas les haines. Il aimait ses adversaires en Dieu tout en les combattant en politique. Sa victoire n’eût été qu’une sainte et généreuse amnistie. Mais le rôle du prêtre moderne n’est ni de vaincre ni de pardonner ; il est d’aimer et de servir. Depuis 1830 aussi je ne voyais plus que rarement cet ancien ami de mes premiers vers. Nous nous aimions néanmoins à distance et à travers des opinions politiques et religieuses très-dissemblables. Tous ces dissentiments de la terre sont ensevelis dans la terre ; les âmes dépouillent ces costumes du pays et du temps en entrant au tombeau.


III

Le septième de ces recueillements s’adresse à une jeune fille poète des bords du Danube, qui, sachant mon retour d’Orient par la Turquie d’Europe, vint m’attendre au passage à Vienne, où je devais m’arrêter. La poésie est une véritable parenté entre les âmes. Cette jeune fille, accompagnée de sa mère, avait quitté sa résidence à cent lieues de Vienne, et avait passé deux mois dans cette capitale pour y adresser seulement un salut et un vœu d’heureux retour à un voyageur inconnu. Pendant les jours que je passai à Vienne, je la vis souvent, et je l’encourageai à cultiver ce génie sauvage mais fertile du Nord, dont elle était merveilleusement douée. J’ai su depuis qu’elle s’était mariée avec un jeune officier hongrois, que j’avais vu chez sa mère, et qui partageait son enthousiasme pour la poésie dans toutes les lang