Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 5.djvu/263

Cette page n’a pas encore été corrigée

absence, au cœur simple, à la parole poétique, qui, en allant en Italie ou en Suisse, s’est souvenu que mon toit est près de sa route, et qui, comme Hugo, Nodier, Quinet, Sue ou Manzoni, vient nous apporter un écho lointain des bruits du monde et goûter avec indulgence un peu de notre paix !

Voilà, mon cher ami, la meilleure part de vie de l’année pour moi. Que Dieu la multiplie et soit béni pour ce peu de sel dont il l’assaisonne ! Mais ces jours s’envolent avec la rapidité des derniers soleils qui dorent entre deux brouillards les cimes pourprées des jeunes peupliers de nos prés.

Un matin, le journal annonce que les chambres sont convoquées pour le milieu ou la fin de décembre. De ce jour, toute joie du foyer et toute paix s’évanouissent ; il faut préparer ce long interrègne domestique que produit l’absence dans un ménage rural, pourvoir aux nécessités de Saint-Point, à celles d’un séjour onéreux de six mois à Paris, res angusta domi ; il faut partir.

Je sais bien qu’on me dit : « Pourquoi partez-vous ? ne tient-il pas à vous de vous enfermer dans votre quiétude de poète et de laisser le monde politique travailler pour vous ? » Oui, je sais qu’on me dit cela ; mais je ne réponds pas : j’ai pitié de ceux qui me le disent. Si je me mêlais à la politique par plaisir ou par vanité, on aurait raison ; mais si je m’y mêle par devoir, comme tout passager dans un gros temps met la main à la manœuvre, on a tort ; j’aimerais mieux chanter au soleil sur le pont, mais il faut monter à la vergue et prendre un ris, ou déployer la voile. Le labeur social est le travail quotidien et obligatoire de tout homme qui participe aux périls ou aux bénéfices de la société. On se fait une singulière idée de la p