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feuilles de beau papier blanc, des crayons et des plumes qui invitent à crayonner et à écrire.

Le coude appuyé sur la table et la tête sur la main, le cœur gros de sentiments et de souvenirs, la pensée pleine de vagues images, les sens en repos ou tristement bercés par les grands murmures des forêts qui viennent tinter et expirer sur mes vitres, je me laisse aller à tous mes rêves ; je ressens tout, je pense à tout, je roule nonchalamment un crayon dans ma main, je dessine quelques bizarres images d’arbres ou de navires sur une feuille blanche ; le mouvement de la pensée s’arrête, comme l’eau dans un lit de fleuve trop plein ; les images, les sentiments s’accumulent, ils demandent à s’écouler sous une forme ou sous une autre ; je me dis : « Écrivons. » Comme je ne sais pas écrire en prose, faute de métier et d’habitude, j’écris des vers. Je passe quelques heures assez douces à épancher sur le papier, dans ces mètres qui marquent la cadence et le mouvement de rame, les sentiments, les idées, les souvenirs, les tristesses, les impressions dont je suis plein : je me relis plusieurs fois à moi-même ces harmonieuses confidences de ma propre rêverie ; la plupart du temps je les laisse inachevées et je les déchire après les avoir écrites. Elles ne se rapportent qu’à moi, elles ne pourraient être lues par d’autres ; ce ne seraient pas peut-être les moins poétiques de mes poésies, mais qu’importe ? Tout ce que l’homme sent et pense de plus fort et de plus beau, ne sont-ce pas les confidences qu’il fait à l’amour, ou les prières qu’il adresse à voix basse à son Dieu ? Les écrit-il ? Non sans doute ; l’œil ou l’oreille de l’homme les profanerait. Ce qu’il y a de meilleur dans notre cœur n’en sort jamais.

Quelques-unes de ces poésies matinales s’achèvent cependant ; ce sont celles que vous connaissez, des Méditations,