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étables, et qui se répondent en s’affaiblissant comme une sonore invitation au sommeil :

Suadent cadentia sidera soie nos.

Notre ami et maître Virgile savait tout cela.

Quand donc l’année politique a fini, quand la chambre, les conseils généraux de département, les conseils municipaux de village, les élections, les moissons, les vendanges, les semailles, me laissent deux mois seul et libre dans cette chère masure de Saint-Point que vous connaissez, et où vous avez osé coucher quelquefois sous une tour qui tremble aux coups du vent d’ouest, ma vie de poëte recommence pour quelques jours. Vous savez mieux que personne qu’elle n’a jamais été qu’un douzième tout au plus de ma vie réelle.

La poésie n’a été pour moi que ce qu’est la prière, le plus beau et le plus intense des actes de la pensée, mais le plus court et celui qui dérobe le moins de temps au travail du jour. La poésie, c’est le chant intérieur.

Que penseriez-vous d’un homme qui chanterait du matin au soir ? Je n’ai fait des vers que comme vous chantez en marchant, quand vous êtes seul, débordant de force, dans les routes solitaires de vos bois. Cela marque le pas et donne la cadence aux mouvements du cœur et de la vie. Voilà tout.

L’heure de ce chant pour moi, c’est la fin de l’automne ; ce sont les derniers jours de l’année qui meurt dans les brouillards et dans les tristesses du vent. La nature âpre et froide nous refoule alors au dedans de nous-mêmes ; c’est le crépuscule de l’année, c’est le moment où l’action cesse au