Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 5.djvu/100

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le sol qu’ils ont touché germe fécond et libre ;
Ils sauvent sans salaire, ils blessent sans remord :
Fiers enfants, de leur cœur l’impatiente fibre
Est la corde de l’arc où toujours leur main vibre
Pour lancer l’idée ou la mort !

Roule libre, et bénis ces deux sangs dans ta course ;
Souviens-toi pour eux tous de la main d’où tu sors !
L’aigle et le fier taureau boivent l’onde à ta source :
Que l’homme approche l’homme, et qu’il boive aux deux bords !

Amis, voyez là-bas ! — La terre est grande et plane !
L’Orient délaissé s’y déroule au soleil ;
L’espace y lasse en vain la lente caravane,
La solitude y dort son immense sommeil !
Là, des peuples taris ont laissé leurs lits vides ;
Là, d’empires poudreux les sillons sont couverts ;
Là, comme un stylet d’or, l’ombre des Pyramides
Mesure l’heure morte à des sables livides
Sur le cadran nu des déserts !

Roule libre à ces mers où va mourir l’Euphrate,
Des artères du globe enlace le réseau,
Rends l’herbe et la toison à cette glèbe ingrate :
Que l’homme soit un peuple, et les fleuves une eau !

Débordement armé des nations trop pleines,
Au souffle de l’aurore envolés les premiers,
Jettons les blonds essaims des familles humaines
Autour des nœuds du cèdre et du tronc des palmiers !