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FIOR D’ALIZA.

goutte de cette éponge qui boit et qui rend la vie, est une larme. Peut-être cela fut-il simplement la vue d’un de ces beaux cyprès immobiles se détachant en noir sur le lapis éclatant du ciel, et rappelant le tombeau.

LI

Quoi qu’il en soit, j’écrivis les premières strophes de cette harmonie au son de la cornemuse d’un pifferaro aveugle, qui faisait danser une noce de paysans de la plus haute montagne sur un rocher aplati pour battre le blé, derrière la chaumière isolée qu’habitait la fiancée ; elle épousait un cordonnier d’un hameau voisin, dont on apercevait le clocher un peu plus bas, derrière une colline de châtaigniers. C’était une des plus belles jeunes filles des Alpes du midi qui eût jamais ravi mes yeux ; je n’ai retrouvé cette beauté accomplie, à la fois idéale et incarnée, que dans la race grecque ionienne, sur la côte de Syrie. Elle m’apporta des raisins, des châtaignes et de l’eau glacée pour ma part de son bonheur ; je remportai, moi, son image. Encore une fois, qu’y avait-il là de triste et de funèbre ? Eh bien ! la pensée des morts sortit de là. N’est-ce pas parce que la mort est au fond de tout tableau terrestre, et que la couronne blanche sur ces cheveux noirs me rappela la couronne blanche sur un linceul ? l’espère