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CHAPITRE DEUXIÈME.

Hélas ! ils dormaient hier !
Et notre cœur doute encore,
Que le ver déjà dévore
Cette chair de notre chair !

L’enfant dont la mort cruelle
Vient de vider le berceau,
Qui tomba de la mamelle
Au lit glacé du tombeau ;
Tous ceux enfin dont la vie,
Un jour ou l’autre ravie,
Emporte une part de nous,
Murmurent sous la poussière :
« Vous qui voyez la lumière,
De nous vous souvenez-vous ? »

Ah ! vous pleurer est le bonheur suprême,
Mânes chéris de quiconque a des pleurs !
Vous oublier, c’est s’oublier soi-même :
N’êtes-vous pas un débris de nos cœurs ?

En avançant dans notre obscur voyage,
Du doux passé l’horizon est plus beau :
En deux moitiés notre âme se partage,
Et la meilleure appartient au tombeau !

Dieu de pardon ! leur Dieu ! Dieu de leurs pères !
Toi que leur bouche a si souvent nommé,
Entends pour eux les larmes de leurs frères !
Prions pour eux, nous qu’ils ont tant aimé !