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FIOR D’ALIZA.

Comme ce fils de Sparte allant à la victoire,
Je consacre à ton nom ou ma mort ou ma gloire.
Adieu donc ! Je t’oublie, et tu peux m’oublier :
Tu ne me reverras que sur mon bouclier.

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Souvent, le bras posé sur l’urne d’un grand homme,
Soit aux bords dépeuplés des longs chemins de Rome,
Sois sous la voûte auguste où, de ses noirs arceaux,
L’ombre de Westminster consacre ses tombeaux,
En contemplant ces arcs, ces bronzes, ces statues,
Du long respect des temps par l’âge revêtues,
En voyant l’étranger d’un pied silencieux,
Ne toucher qu’en tremblant le pavé de ces lieux,
Et des inscriptions sur la poudre tracées
Chercher pieusement les lettres effacées,
J’ai senti qu’à l’abri d’un pareil monument
Leur grande ombre devait dormir plus mollement ;
Que le bruit de ces pas, ce culte, ces images,
Ces regrets renaissants et ces larmes des âges,
Flattaient sans doute encore, au fond de leur cercueil,
De ces morts immortels l’impérissable orgueil ;
Qu’un cercueil, dernier terme où tend la gloire humaine,
De tant de vanités est encor la moins vaine ;
Et que pour un mortel peut être il était beau
De conquérir du moins, ici-bas, un tombeau ?…
Je l’aurai !… Cependant mon cœur souhaite encore
Quelque chose de plus, mais quoi donc ? il ignore.
Quelque chose au delà du tombeau ! Que veux-tu ?
Et que te reste-t-il à tenter ?… La vertu !
Et bien ! pressons ce mot jusqu’à ce qu’il se brise !
S’immoler sans espoir pour l’homme qu’on méprise,
Sacrifier son or, ses voluptés, ses jours,
À ce rêve trompeur… mais qui trompe toujours ;