Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 41.djvu/58

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
57
CHAPITRE PREMIER.

« Monument écroulé, que l’écho seul habite
Poussière du passé qu’un vent stérile agite ;
Terre, ou les fils n’ont plus le sang de leurs aïeux,
Où sur un sol vieilli les hommes naissent vieux,
Où le fer avili ne frappe que dans l’ombre,
Où sur les fronts voilés plane un nuage sombre,
Où l’amour n’est qu’un piége et la pudeur qu’un fard,
Où la ruse a faussé le rayon du regard,
Où les mots énervés ne sont qu’un bruit sonore.
Un nuage éclaté qui retentit encore :
Adieu ! Pleure ta chute en vantant tes héros !
Sur des bords où la gloire a ranimé leurs os,
Je vais chercher ailleurs (pardonne, ombre romaine !)
Des hommes, et non pas de la poussière humaine !…

.........................

.........................

« Le ciel avec amour tourne sur toi les yeux ;
Quelque chose de saint sur les tombeaux respire,
La Foi sur tes débris a fondé son empire !
La Nature, immuable en sa fécondité,
T’a laissé deux présents, ton soleil, ta beauté ;
Et, noble dans ton deuil, sous tes pleurs rajeunie,
Comme un fruit du climat enfante le génie.
Ton nom résonne encore à l’homme qui l’entend,
Comme un glaive tombé des mains du combattant ;
À ce bruit impuissant, la terre tremble encore,
Et tout cœur généreux te regrette et t’adore.

« Et toi qui m’as vu naître, Albion, cher pays
Qui ne recueilleras que les os de ton fils,
Adieu 1 tu m’as prescrit de ton libre rivage ;
Mais dans mon cœur brisé j’emporte ton image,
Et, fier du noble sang qui parle encore en moi,
De tes propres vertus t’honorant malgré toi,