Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 41.djvu/44

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
43
CHAPITRE PREMIER.

XXVIII

Ils vécurent quelques années à Paris, au commencement de la Révolution française, jusqu’aux approches de 1793, dans une retraite qui ne put les dérober à la persécution commençante. Comment la Révolution, qui décapitait une reine, fille d’empereur, à côté de son double trône, avait-elle respecté une reine découronnée et fugitive ? Le poëte tragique piémontais, qui avait été jusque-la le plus ardent et le plus inflexible des démocrates, à condition que la démocratie ne touchât ni aux privilèges de la noblesse piémontaise, ni aux prétentions littéraires de son pâle génie, s’indigne contre la double profanation des républicains français. Toute sa colère d’imagination contre la tyrannie des rois de Turin se changea en rage contre l’audace des peuples démocratisés par la France ; il assouvit sa haine à huis clos, par le Míso Gallo, recueil d’invectives mal rimées et d’épigrammes sans dard, contre le pays, les hommes, les principes qu’il avait exaltés jusque-là. Il fit imprimer en même temps, chez Didot, les quatorze tragédies mort-nées qu’il s’était imposé la tâche d’écrire comme des exercices d’écolier classique, plus que comme des effusions de sa nature, et il alla se confiner, avec sa gloire inédite en poche, dans sa retraite de Florence.