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CHAPITRE IX.

en avant, pendant que les deux gendarmes dormaient, la tête sur leur bras, sans voir et sans entendre.

Je mis mon doigt sur mes lèvres pour que le vieillard et l’enfant ne réveillassent pas le bargello ; vous savez que j’avais assez mérité sa confiance pour qu’il me laissât la clef du préau. Je fis entrer le prêtre et l’enfant. Nous traversâmes sans bruit la cour de la prison ; le prêtre, l’enfant de chœur et moi, nous entrâmes dans la loge d’Hyeronimo. Je marchais la dernière et je baissais la tête.

Hyeronimo était aussi tremblant que moi ; il ne me dit rien. Le père Hilario ouvrit la porte du corridor qui menait du cachot, par un couloir sombre, à la chapelle. L’enfant alluma les cierges, et la messe commença. Je ne savais ce que j’entendais, tant mes oreilles me tintaient d’émotion.

Le père et ma tante assistaient seuls, dans l’ombre, comme deux statues de pierre sculptée, contre un pilier de la cathédrale ; ils étaient entrés en même temps que nous, par la porte extérieure de la chapelle donnant sur la cour. Je les voyais sans les voir. Hyeronimo regarda sa mère, et le père pleurait sans nous voir. Après l’élévation, le prêtre nous fit approcher, et déployant sur nos deux têtes un voile noir, que l’enfant de chœur prit pour un linceul du condamné, il nous glissa à chacun un anneau dans la main et nous bénit en cachant ses larmes.

— Aimez-vous sur la terre, mes pauvres enfants, nous dit-il tout bas, pour vous aimer à jamais dans le paradis ; je vous unis pour l’éternité.