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FIOR D’ALIZA.

raison de tromper un peu Hyeronimo sur ma fuite avec lui hors de la ville : c’est que je ne pouvais lui donner le temps d’assurer sa fuite qu’en amusant quelques heures ses ennemis et en leur livrant une vie pour une autre ; or, peu m’importait de mourir, pourvu que lui il vécût pour nourrir et consoler mon père et ma tante.

Qu’est-ce donc que j’étais en comparaison de lui, moi ? deux yeux pour pleurer ? Cela en valait-il la peine ? Non, j’avais mon plan dans mon cœur, et il ne m’en coûtait rien de me sacrifier pour mon amant, puisque j’étais sûre qu’il viendrait me rejoindre dans le paradis.

CCXXXVII

Les heures que nous passions ainsi deux fois par jour, seul à seul, a nous reconsoler et à rêver à deux dans notre cachot (car c’était vraiment autant le mien que le sien), étaient les plus délicieuses que j’eusse passées de ma vie ; en vérité, j’aurais voulu que toutes les heures de notre vie fussent les mêmes, et que les portes de ce paradis de prison ne se rouvrissent jamais pour nous deux ; quand on a ce que l’on aime, qu’est-ce donc que le reste ? qu’un ennui.

J’aurais voulu que ces heures ne coulassent pas, ou bien que toutes nos heures passées ou futures fussent contenues dans une de ces heures.