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FIOR D’ALIZA.

d’avoir la certitude en mourant que tu ne serais jamais à un autre sur la terre et que je serais éternellement ton fiancé dans le paradis.

Il m’a bien grondé de ces sentiments, qui lui ôtait tout droit de m’absoudre avant la dernière heure, puisqu’il ne pouvait, au nom du Christ, pardonner à ceux qui n’avaient pas pardonné ; il m’a bien prêché, bien tourné et retourné de toutes les façons pour me faire désavouer ma haine et ma vengeance ; mais c’était comme s’il avait parlé à la pierre du mur ou au fer de la grille : j’ai été inexorable dans ma résolution d’emporter mon ressentiment dans mon âme, à moins d’emporter dans l’autre monde l’anneau du mariage qui nous unirait au moins dans l’éternité.

Il a paru réfléchir en lui-même longtemps, comme un. homme qui doute sans rien dire ; puis, en se levant pour s’en aller :

— Me promettez-vous, m’a-t-il dit, si cette grâce du mariage in extremis avec celle que vous aimez plus que le ciel et qui vous aime plus que sa vie, vous est accordée, me promettez-vous d’embrasser le chef des sbires de bon cœur, et de bénir vos bourreaux, au lieu de maudire en mourant vos ennemis ?

— Oui, mille fois oui, me suis-je écrié, ô mon père ! et je le ferai de bon cœur encore, car ne devrai-je pas plus de bonheur que de malheur à ceux qui m’auront donné ainsi une éternité avec Fior d’Aliza pour quelques misérables années sur la terre !