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CHAPITRE PREMIER.

Il s’arrêta quelques mois à Rome avant de rentrer dans son royaume, pour laisser aux Autrichiens et à son fils, son lieutenant général, l’odieux et les embarras de sa restauration. Elle ne fut, du reste, que plaisante et non sanglante. Tout fut liquidé et soldé par quelques exils promptement révoqués. Il y avait eu peu d’excès, il n’y eut pas de longue vengeance. Le Pape, selon l’usage, lui donna à dîner en grande cérémonie au Vatican le jeudi saint. Par une faveur tout inusitée, le cardinal Consalvi m’invita à cette table de pape, de rois et d’ambassadeurs. C’était contre l’étiquette, mais les rois passent par-dessus et les poëtes par-dessous.

XIX

Peu de jours après, j’eus un fils qui fut baptisé à Saint-Pierre de Rome, et tenu sur les fonts de baptême par une belle Vénitienne, devenue une grande dame polonaise, la comtesse Oginska. Cet enfant, né sous les plus heureux auspices, échappa comme ma fille, en mourant jeune, à sa triste destinée. L’un ne vit que mon aurore, et l’autre que mes jours de fêtes. Je les pleurai sincèrement tous les deux, mais quand je me regarde maintenant, je suis tenté de ne pas les plaindre. Les malheurs d’un père, obligé à travailler jusqu’à satiété pour vivre et pour faire vivre ceux qui se sont compromis pour lui et pour leur patrie, sont