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FIOR D’ALIZA.

reau de la loge où il était seul encore depuis la mort de son compagnon. Parvenu à l’embouchure de l’Arno avant le jour, en se glissant d’écueils en écueils, invisible aux sentinelles de la douane, il y trouva sa maîtresse et un bon moine qui les maria secrètement ; la nuit suivante, ils se procurèrent un esquif pour les conduire en Corse à force de rames ; là ils espéraient vivre inconnus dans les montagnes de Corte ; la tempête furieuse qui les surprit en pleine mer et qui les rejeta exténués sur la plage de Montenero, trompa leur innocent amour.

La fille, punie comme complice d’une évasion des galères, est ici dans un cachot isolé, avec son petit enfant ; elle pleure et prie pour celui qu’elle a perdu en voulant le sauver. Quant à celui-ci, on l’a muré et scellé pour dix ans dans ce cachot où il ne trouvera ni amante pour scier ses fers, ni planche pour l’emporter sur les flots. Il n’y a rien à redire aux juges, ils ont fait selon leur loi, mais la loi de Dieu et la loi du cœur ne défendent pas d’avoir de la compassion pour lui.

CLXXXV

Je me sentais le cœur presque fendu en écoutant le récit de la fille du vieux galérien, séduite par sa reconnaissance, et du jeune forçat séduit par la liberté et par l’amour.

Ici le bargello se pencha vers moi, baissa la voix, et me